COPYRIGHT - PHOTOS FRANCINE SPITZ
Mercredi 6 décembre, 8h du matin
Comme d'habitude, j'allume la télé, Télématin.
Je m'étonne : sur la droite de l'écran, un jeune homme aux cheveux retenus par un turban et micro à la main. Sur le moment, je ne le reconnais pas. Je regarde plus attentivement l'image et vois une barrière et quelques personnes derrière. Alors je pense à un attentat.
Quelques secondes plus tard j'entends "Marne-la-Coquette". Je ferme les yeux un instant et je me dis "Non pas lui" et je laisse couler mes larmes.
Mireille Darc, Jean Rochefort, Jean D'ormesson et maintenant Johnny Hallyday, là c'est trop.
Johnny c'était mon chanteur préféré, mon idole.
Au début des années 60, Johnny passait en vedette pour la première fois à l'Olympia. Ma mère avait pris trois places pour le voir avec une de mes soeurs et moi. Mon père lui avait alors dit : "Pourquoi vous allez voir ce jeune homme?".
Ensuite je l'ai suivi : Au Golf Drouot, au Ranch de Johnny, au Plessis Robinson.
On organisait des petites boums dans les caves des immeubles à Meudon Bellevue. J'aimais ces rencontres. On y dansait sur "Souvenirs souvenirs", "Noir c'est noir". Mais moi je préférais les slows: "Les portes du pénitencier", "Retiens la nuit", "L'idole des jeunes"..
Puis il y eut le Palais des Sports, l'Olympia plusieurs fois...
Ensuite Johnny commença à faire des salles un peu plus grandes et des stades. Au début je n'y allais pas car j'avais peur de la foule. Je me souviens de son premier Parc des Princes, proche de Meudon. J'y étais allée avec une amie, juste pour l'entendre chanter, mais hors du stade; on l'entendait très bien, mais bien sûr nous étions frustrées de ne pas le voir.
Alors il a fallu que j'arrive à vaincre cette peur de la foule.
Et pour Johnny, j'y suis arrivée.
Depuis je l'ai suivi plusieurs fois à Bercy, au Stade de France. Puis plus récemment en 2016 à l'Opéra Garnier ; c'était magique de voir un rockeur en ce lieu. (voir ou revoir mes reportages dans mon blog).
Maintenant, et avant qu'il ne quitte ce monde pour toujours, je vais me diriger vers quelques hommages.
Le jour même de sa disparition, la RATP rebaptise pour 24 heures le nom de la station Duroc en "DUROCK JOHNNY" .
Il est 20h quand je me décide à y aller. En descendant de la rame j'entends à mon grand étonnement une bande son qui passe les tubes de Johnny. Incroyable.
Je reste sur le quai à écouter quelques chansons et je ne manque pas d'aller au guichet de la station pour les remercier de ce geste.
Jeudi 7 décembre
J'entends à la radio que deux veillées de prières auront lieu à l'église Saint-Roch, l'église des artistes, en hommage à Johnny Hallyday, jeudi et dimanche soir.
Samedi la cérémonie étant privée, je ne pourrai pas entrer dans l'église de la Madeleine; quelques fans triés sur le volet y sont admis; je ne serai pas de ceux là.
Je me décide donc à aller a la cérémonie de Saint-Roch, organisée par le Père Luc Reydel, aumônier du spectacle.
Il est près de 20h30 quand je pénètre dans l'église.
L'église est pleine mais on peut y circuler aisément ; elle est à peine éclairée. Des fans prient. Je m'approche de l'autel : une photo de Johnny est projetée sur un grand écran. Des petites veilleuses nous sont distribuées afin d'être déposées devant la photo. Je fais le tour de l'église pour arriver près d'un petit orchestre à gauche de l'autel: Un synthé, deux guitaristes et un batteur. Deux chanteuses et un chanteur interprètent à leur façon, et très doucement, quelques tubes de Johnny : "Marie" et "Que je t'aime" seront entonnés durant mon passage.
J'y reste une bonne heure; un moment très chaleureux passé dans cette église où j'ai pu côtoyer des fans et échanger quelques mots avec eux.
Vendredi 8 décembre
Je suis à Paris ; je vais attendre que la nuit tombe afin de me rapprocher de la Tour Eiffel. Ce soir y est inscrit "Merci Johnny", et cet hommage devrait durer jusqu'à dimanche soir.
Je passe devant la Madeleine : des fans de Johnny sont déjà devant les barrières pour assister aux obsèques de demain. Ils veulent bien voir et vont y passer la nuit (un groupe de fans de Rouen et du Havre)
Il est plus de 20 heures quand je sors du métro à la station Trocadéro. Je vais passer sur l'esplanade et descendre le long des fontaines (qui ne fonctionnent pas) face à la Tour en empruntant le Pont d'Iéna.
Du haut de l'esplanade je vois ces deux mots : "Merci Johnny" qui sont inscrits au niveau du premier étage de la Tour Eiffel. L'éclairage gris bleu de la Tour se marie bien avec la pénombre du ciel. Une atmosphère de tristesse enveloppe ma descente vers le Pont d'Iéna. Les touristes ont compris ; ils ne crieront pas de joie comme d'habitude lorsque la Tour Eiffel clignotera.
Samedi 9 décembre - les obsèques de Johnny Hallyday
Le cortège doit quitter la Place de l'Etoile à midi. Je compte partir à 11h de chez moi, une amie m'attend à la gare de Meudon. Je ne me précipite pas, je sais que la foule est déjà installée tout du long du parcours. Je ne verrai pas grand chose ; Johnny n'est plus, alors à quoi bon courir...
Je suis très triste mais il faut que j'y aille, il faut que je sois dans l'évènement et non devant mon poste de TV ; il faut que je suive le cortège de Johnny que j'imaginerai passer devant moi grâce aux gestes de ses fans, à leurs cris, à leurs chansons.
11h. Me voici dehors, je descends à pied jusqu'à la gare, mais il a neigé et les trottoirs sont verglacés alors je fais très attention pour ne pas tomber. Mais je glisse deux fois et la troisième fois me voilà par terre. Je me relève rapidement, heureusement je ne me suis pas fait mal. Pourquoi les trottoirs n'ont-ils pas été salés ? J'arrive tant bien que mal à la gare où mon amie m'attend.
Dans le RER, nous réfléchissons à l'endroit où l'on va se placer. Je veux être au plus près de l'église de la Madeleine, là où va se passer la cérémonie. Nous allons descendre aux Invalides pour essayer d'arriver au moins sur la Place de la Concorde si c'est possible.
11h30. Nous descendons du train et empruntons la sortie qui arrive directement sur la berge de la Seine qui mène au Pont de la Concorde. Il n'y a pas foule du tout et les quelques policiers nous laissent passer sans aucune fouille des sacs.
Nous voici sur la place de la Concorde tout près de l'Obélisque et de la Grande Roue. Nous ne pouvons pas aller plus loin : trop de monde pour accéder à la rue Royale. Nous tentons de nous diriger vers le jardin des Tuileries qui est ouvert et prenons la montée qui surplombe toute la place de la Concorde. Dommage, à cause de la foule agglutinée tout le long du parcours nous ne pourrons pas voir le cortège descendre les Champs et emprunter la rue Royale qui mène à l'église.
Pas grave, nous sommes là et c'est le principal. Le cortège est passé dans le calme ; nous l'avons suivi en regardant le mouvement de la foule.
Nous quittons les Tuileries pour regagner la Place de la Concorde ; ses musiciens jouent sur la petite scène dressée devant l'église de la Madeleine.
Deux écrans géants ont été placés sur la Place. Un à côté de l'ancien Ministère de la Marine et un tout à côté de la Grande Roue. Je préfère rester près de la grande roue car la vue est plus jolie. Bientôt une autre amie m'y rejoindra.
Place de la Concorde, autour de l'Obélisque, nous ne sommes pas serrés. La foule est rivée sur l'écran.
L'écran s'allume. Je lève la tête : le ciel est tout bleu, il fait très froid, une photo de Johnny est projetée sur l'écran, je suis triste. Dos a l'église de la Madeleine Emmanuel Macron s'adresse à la foule.
Je cite un paragraphe de son discours:
"Dans sa voix, dans ses chansons, dans son visage, il y avait cette humanité indéfinissable qui vous perce à jour et qui fait qu’on se sent moins seul. C’est comme cela que Johnny est entré dans nos vies, par ce blues qui dit nos misères et nos bonheurs, par ce rock qui dit nos combats et nos désirs, et pour beaucoup il est devenu une présence indispensable, un ami, un frère.
Et je sais que certains aujourd’hui ont le sentiment d’avoir perdu un membre de leur famille, je sais que beaucoup d’entre vous depuis quelques jours découvrent une solitude étrange."
La cérémonie religieuse est entrecoupée de prises de paroles et de musique.
Les trois musiciens de Johnny, Yarol Poupaud, Robin Le Mesurier, Yodelice jouent devant le cercueil les tubes de Johnny accompagnés de Matthieu Chedid. On entendra "Je te promets", "Que je t'aime", Retiens la nuit", "de l'Amour".
Très émouvant de n'entendre que le son des guitares. Par moment quand le rythme se faisait plus rapide et que l'assemblée allait même jusqu'à taper dans les mains, je me disais : s'ils pouvaient le réveiller...
Pendant la cérémonie, Philippe Labro prend le premier la parole : Très beau et émouvant discours qu'il termine en évoquant les derniers instants du chanteur ; j'ai été surprise et choquée qu'il nous parle de ce moment très intime.
Je cite seulement : "Il a levé les yeux au ciel et puis il s'en est allé".
Par ces mots, il a voulu nous faire partager sa mort, mais d'une belle manière, ajoutant :
On pense à la phrase finale d’un film de Robert Bresson que Johnny aurait pu prononcer : "quel drôle de chemin il m’a fallu prendre pour parvenir jusqu’à toi."
Marion Cotillard lit la lettre de Saint Paul Apôtre aux Corinthiens.
Deux des paragraphes : "J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien."
"L'amour prend patience ; l'amour rend service ; l'amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil."
Sandrine Kiberlain cite "Louange", une prière de mère Thérésa dont voici un passage:
"La vie est une chance, saisi-la
La vie est beauté, admire-la
La vie est béatitude, savoure-la".
Carole Bouquet prend la parole.
Elle commence par des mots touchants pour Laeticia:
" Laeticia, son épouse, son amour, sa force. Pour cette jeune fille devenue femme au côté de cet homme hors norme. Pour celle qui a partagé toutes les joies d'une histoire d'amour de 23 ans. Pour celle qui a su mener à ses côtés tous les combats dont celui ultime et cruel de la maladie, ensemble prions avec une foi sans limite, prions pour lui donner la force de vivre cet au revoir avec courage et espoir".
Sa lecture sera entrecoupée par les musiciens qui reprendront "Toute la musique que j'aime"; l'assemblée allant jusqu'à taper dans les mains en rythme.
Jean Reno lit un poème de Jacques Prévert, "L'escargot" (choisit par Jade et Joe)
Très beau poème que je ne connaissais pas, l'histoire de deux escargots qui vont à l'enterrement d'une feuille morte. Je cite ces quelques phrases qui m'ont touchées:
"...Mais ne prenez pas le deuil, c’est moi qui vous le dis : ça noircit le blanc de l’oeil et puis ça enlaidit. Les histoires de cercueils c’est triste et pas joli. Reprenez vos couleurs, les couleurs de la vie..."
Dès la fin de la cérémonie je quitte la Place de la Concorde et je vais essayer d'approcher l'église de la Madeleine en passant par la rue Cambon.
Me voilà tout en haut de la rue, l'église est sur ma gauche mais la foule est immense et je ne pourrai pas voir la sortie de Johnny.
Alors j'ai une idée, peut-être que ce samedi à l'Olympia le nom de Johnny Hallyday sera inscrit au-dessus de l'entrée. Et oui il y est.
Mais non, Johnny ne chantera pas ce soir...
Maintenant il ne me reste plus qu'a passer par l'hôtel Accord Arena, anciennement Bercy, où Johnny a donné de nombreux concerts ; je m'y étais d'ailleurs rendue plusieurs fois (voir mes reportages).
Je vais signer le "Livre d'or" et y mettre un petit mot. Le livre sera donné par la suite à sa famille.
Voilà, mon pèlerinage se termine.
Je vais finir par un extrait bouleversant de la lettre de Patrick Bruel adressée à Johnny:
"Je n'arrive pas à imaginer qu'il n'y aura plus de Johnny, comme si on avait enlevé la Tour Eiffel dans la nuit, sauf que tu me manqueras plus cruellement que la vieille Tour ne le ferait. Tu vas faire le voyage avec Jean d'Ormesson, vous allez bien vous marrer.
Tu n'as pas oublié de vivre, Johnny, tu as vécu mille vies en essayant toujours de nous les faire partager, et tu nous as aussi fait partager ta mort à nous et à tout le public d'une manière merveilleuse.
Comme des millions de gens et avec eux, Que je t'aime."
Et depuis il y a sur les marches menant à l'église de la Madeleine quelques bouquets de fleurs et des mots,
ainsi qu'à l'intérieur de l'église, un livre reste ouvert pour y déposer un message, et qui sera remis à la famille.
Durant toute l'année 2018, une messe sera célébrée à l'intention de Johnny Hallyday à l'église de la Madeleine le 9 de chaque mois, jour anniversaire de ses funérailles, aux alentours de 12h30.
La première a eu lieu mardi 9 janvier en présence de plusieurs fans.