Mercredi 13 mars, 23h
J’apprends qu’un dernier hommage sera rendu demain à Daniel DARC à 11h15 au Temple protestant de l’Oratoire du Louvre. Voulant assister à la cérémonie, et ne connaissant pas trop ses chansons, j’ouvre quelques instants son album « Crève Cœur » (qui a obtenu une Victoire de la Musique en 2005) pour m’imprégner de sa musique.
J’en retiens une, « Rouge rose » ; les paroles et la musique me touchent.
Je prépare dans ma tête mon trajet pour la cérémonie au Temple Protestant, rue Saint Honoré non loin du Louvre, puis au cimetière de Montmartre. Montmartre, là où a vécu Daniel durant plusieurs années.
Jeudi 14 mars, 9h
Je me lève et prends un bon petit déjeuner ; je sais que ma journée sera longue et émouvante.
Il est 10h30, je suis dans le RER direction les Invalides. Il faut que j’aille au plus rapide, je ne veux pas arriver en retard alors je vais ensuite prendre le métro et descendre à la station Louvre Rivoli. Je vois très bien où est cette église, je passe très souvent devant, rue de Rivoli, mais je n’y suis jamais entrée. D’ailleurs je n’ai jamais vu de porte par cette rue. Et maintenant j’apprends que c’est un temple et pas une église.
Je sors du métro, côté cour carrée du Louvre. Je mets mes lunettes noires ; le soleil brille ; le ciel est bleu mais il fait encore très froid.
Je traverse la rue. Devant moi deux hommes vêtus de noir, je suis sûre qu’ils vont au même endroit que moi ; je les suis. Ils rentrent sur le côté du temple rue de l’Oratoire. Me voici à l’intérieur dans des couloirs sombres et étroits. Les deux hommes ont disparu, je suis seule, un peu perdue ; je suis les flèches qui indiquent l’entrée du temple. Je me crois dans un jeu de piste.
Je pousse une porte et me voici à l’intérieur. C’est la première fois que je rentre dans un temple ; je m’aperçois qu’il est divisé en deux parties. Je traverse des rangées de chaises, puis un grand espace et une autre partie de chaises avec déjà beaucoup de monde assis devant moi. Par cette entrée de côté, on arrive à l’opposé de l’entrée principale. Si on est en retard mieux vaut ne pas passer par là car on se fait très remarquer.
J’ai encore un peu de temps pour traverser le temple et sortir par l'entrée principale qui donne dans la rue Saint Honoré.
Il est temps que je rentre maintenant. L’homme de cérémonie m’accompagne. Il reste encore quelques places devant. Avant de m’asseoir, je prends sur la chaise le petit feuillet où cinq textes sont écrits. Je lis tout en haut : « En souvenir de Daniel ROZOUM ». Je jette un œil sur l’assistance : Tout près de moi le chanteur Cali et un peu plus loin j’aperçois Jean-Louis Aubert.
Le temple devient plus sombre, je comprends que le grand portail qui donne dans la rue Saint Honoré s’est fermé.
La cérémonie commence. Tous les regards sont portés sur le cercueil noir qui est posé devant nous au cœur du Temple. Bordé d’or, un énorme et magnifique bouquet de roses rouges et blanches est posé dessus. La musique retentit, j’en étais sûr, je reconnais « Rouge rose » que chantait Daniel DARC. Elle nous accompagnera tout au long de la cérémonie.
Au loin, je vois depuis un moment une femme habillée de noir avec en haut de sa poitrine comme un jabot blanc qui me fait penser à une robe d’avocat. J’ai su plus tard que c’était le Pasteur. Evidemment, puisque nous sommes dans un temple protestant… Elle se lève et se place devant le micro.
Sa voix est douce, elle raconte l’histoire de Daniel : elle parle de son adolescence et comment il en est venu à la musique. En écoutant le groupe punk anglais les Sex Pistols, il reçoit un choc musical qui va bouleverser sa vie. Il fait ses études au lycée Balzac et c’est là qu’il rejoint le groupe « Taxi Girl » fondé par quatre amis, influencé par le rock américain, par des chanteurs à textes et par l’attitude provocatrice des punks.
Il va connaître un immense succès avec la chanson « Cherchez le garçon ». Il donne beaucoup de concerts, et dans cette ivresse de gloire, il touche malheureusement à l’alcool puis la drogue. Il arrive à remonter la pente grâce à des rencontres avec des chanteurs et compositeurs qui l’aident. Il écrit ensuite des chansons moins provocatrices. Fan de littérature, ses textes gagnent en poésie et en mélancolie. Ses magnifiques albums : « Crève Cœur » et « Amours suprêmes » le prouvent.
Sa marraine prend la parole et parle de Daniel durant son enfance, quand elle l’amenait à l’école. Ils étaient très proches et il venait souvent se confier à elle. Elle raconte qu’il s’est converti au protestantisme et que la foi imprégnait ses dernières œuvres. Elle cite un artiste attachant, simple et entier, « un homme paradoxal qui avait connu l’enfer et aspirait à l’éternité ».
Un ami proche de Daniel vient lire la première page du feuillet qu’on nous a donné : « Moi, si j’avais commis tous les crimes possibles ». Une femme chante a capela, un chant sur l’air de la « Hatikva ».
Le pasteur lit l’Evangile selon Matthieu, 5 « les Béatitudes ». Ce texte, Daniel l’avait toujours dans sa poche. Il le sortait de temps en temps pour le lire, nous dit-elle.
La fin de la cérémonie approche. Une musique résonne. C’est sur la voix d’une de ses idoles : Johnny Cash « I hurt myself today » que le cercueil de Daniel quitte le temple.
Je quitte ma place, et juste derrière moi, je suis étonnée car je vois Marc Lavoine. Je ne l’avais pas vu à mon arrivée dans le temple. Une écharpe rouge autour du cou, je le vois très ému, essuyant quelques larmes ; il embrasse des chanteurs qui le croisent. Fan (je vais le voir à tous ses concerts) et surprise de le voir à cette cérémonie (je comprends ensuite : Daniel Darc lui a écrit des chansons). Emue de le voir, je préfère ne pas le suivre dans l’allée principale qu’il emprunte, triste ; je me glisse sur le côté pour sortir.
Dehors, la foule reste là un bon moment autour du convoi, de la famille, des amis et des personnalités. Je vois de loin un attroupement : des journalistes et photographes interrogent la chanteuse Alizée (Daniel Darc est l’auteur de quelques unes de ses chansons).
Maintenant je vais me rendre au cimetière de Montmartre pour un dernier hommage.
Je reprends le métro à la station Louvre Rivoli pour un changement à Champs Elysées Clémenceau direction Place de Clichy là où je descends. Je monte les marches du métro qui m’amène à la sortie. La place est très grande et à chaque fois j’ai du mal à partir dans le bon sens. Je me repère au restaurant Le Wepler puis le cinéma Pathé Wepler juste à côté.
Maintenant je peux monter la rue, traverser et me diriger vers le cimetière. Parfois lorsque j’y vais pour le visiter j’aime monter sur le pont qui coupe le cimetière en deux et passer par la petite porte en contrebas. Proche de la butte Montmartre ce cimetière à une atmosphère particulière. On y retrouve par endroit des petits escaliers et les réverbères de la butte. Mais cette fois-ci je vais passer par l’entrée principale, avenue Rachel. Je veux savoir ou se passe la cérémonie, j’emprunte le Bd de Clichy.
Me voici à l’intérieur du cimetière. J'avance jusqu'au premier rond- point. La neige sur la terre n'est toiujours pas fondue. Je reconnais quelques personnes qui étaient au temple. Je croise la femme pasteur.
Le convoi arrive. Nous avançons lentement dans l’allée. Nous nous mettons en demi-cercle autour de la dernière demeure de Daniel. Une cérémonie est prévue.
Un texte est lu, celui de la dernière page du feuillet « Quand je dormirai du sommeil de la mort ». Ensuite un musicien joue de la flûte traversière. La musique résonne dans le ciel tout bleu, je lève la tête et je me place face au soleil qui me réchauffe le visage.
Puis une jeune femme se dirige vers le micro et lit le dernier texte : « Un amour m’attend…».Voici quelques lignes de ce très beau texte : «.. Ne pensez pas que je désespère. Je crois ; je crois tellement qu’un amour m’attend. Ne pleurez pas ; c’est un amour qui me prend. Si j’ai peur et pourquoi pas ? Rappelez-moi simplement qu’un amour, qu’un amour m’attend. Dans le vent dont on ne sait d’où il vient ni où il va, vers ton amour, ton amour qui m’attend ».
Le magnifique bouquet de roses rouges et blanches est détaché de son lien qui les tiennent toutes.
Une rose blanche est distribuée à chaque membre de la famille. Une rose rouge est donnée à ses amis et au public qui sont venus lui rendre ce dernier hommage. Je me place dans la file, pour jeter aussi la rose. Juste devant moi le chanteur Christophe jette aussi son briquet.(pas de chance il le jette à côté de la fosse, le 2ème essai est le bon), ça m'a tout de même fait sourire.
Juste à mes pieds près du bouquet de roses ouvert, je lis ces trois mots qui me font verser des larmes « A mon fils ».
J'ai pu me placer à côté des photographes pour faire quelques photos (avec mon portable, mon appreil photo était en réparation).
Daniel Darc, chanteur et compositeur, a écrit des chansons pour Marc Lavoine, Alizée et d'autres.
Tous ses amis musiciens qui ont collaboré avec lui étaient présents.
Marc Lavoine, Alizée, Jean-Louis Aubert, Dani, La Grande Sophie, Cali, Louis Bertignac, Etienne Daho, Lescop, Axel Bauer, Didier Wampas, Christophe, Patrick Eudeline, Bertrand Burgalat, et d'autres