Jeudi 28 février, 20h. C’est la leçon de cinéma du mois de février au Gaumont Parnasse à Paris. Rencontre avec l'acteur : Edouard BAER. J’y vais une petite heure avant pour pouvoir être au premier rang si possible, tout près de l’invité et de son interviewer, quand ceux-ci s'assoient dans la salle pour regarder les extraits. Pour les discussions, ils retournent s'asseoir juste devant l'écran sur des sièges hauts, face à nous.
Pourtant première dans la file d’attente, je n’ai pas descendu l’allée assez vite : un homme me dépasse et se place à côte du siège d’Edouar Baer. Dommage pour moi. Le siège est libre à côté de François Bégaudeau; je m’y assois. Pour une fois, mon fils me rejoint à cette leçon de cinéma car Edouard Baer l’intéresse. Il se place à côté de moi. Derrière nous je retrouve une amie, fidèle aussi des leçons de cinéma.
Nous avons le temps de discuter un bon moment entre nous, la salle se remplit doucement, je sais que la séance commence vers 20h30 si l’invité n’est pas en retard..
En face de nous, l’écran affiche les 8 extraits de films qui vont être passés.
C’est la première fois que je vois une hôtesse déposer sur la petite table devant le siège de l'invité une assiette de gâteaux ainsi qu’un verre rempli... de whisky, nous dira Edouard Baer plus tard.
Il est presque 20h30, les gens commencent à taper dans les mains pour montrer leur impatience.
La salle s’éteint et le premier extrait de film passe sur l’écran. « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre ». On y voit Edouard Baer dans un de ses numéros fétiches: une longue tirade complètement absurde qui déclenche l'hilarité de la salle.
Puis François Bégaudeau arrive et nous parle quelques instants de l’invité en citant quelques confidences que lui a faites Edouard Baer quand il lui a proposé de venir à la leçon de cinéma: « Quelle idée de m’inviter, vu ma carrière cinématographique c’est plutôt un désastre, j’espère que l’on ne va pas être 40 ». FB dit "C'est réussi, je vois que la salle est pleine. On accueille Edouard Baer!"
EB arrive du fond de la salle, très applaudi. Il salut le public, puis s’assoit et commence à manger devant nous. Il a faim. Mais FB n’attend pas, il commence à interroger son invité qui a la bouche pleine.
FB lui parle de l’émission Nulle Part Ailleurs, dans laquelle il avait une rubrique devenue très populaire = Le Centre de Visionnage. C'est surtout ici qu'il s'est fait connaître. EB regarde la salle et dit : « ils ne sont pas si jeunes », comme pour sous entendre que l’assistance est assez âgée pour s’en souvenir.
Ensuite passe un extrait de La Bostella, le premier film réalisé par EB. On voit une séance de travail où des comédiens sont en train de répéter des sketches, dans une ambiance de making-off faussement raté. FB lui fait remarquer: "On voit que vous aimez diriger les acteurs, que vous êtes plus homme de théâtre que de cinéma".
Puis EB parle de son travail d’acteur et de metteur en scène. Il dit aimer montrer la pensée et le silence, autant qu'un texte ou un monologue. Le silence le touche même plus; il préfère les larmes retenues que la crise de larmes. Il parle de Daniel Auteuil : "vous avez l’impression qu’il ne fait rien, mais c’est extraordinaire ce qui se passe sur son visage. Depardieu joue très bien cela aussi... Mais au cinéma je ne suis pas un fou du texte, au théâtre oui." Il dit toutefois qu'un tournage de cinéma est merveilleux, c’est un travail d’équipe qui reste gravé.
FB l’interroge sur sa pièce « Cravate Club », un face à face avec Charles Berling, qui a eu un grand succès et qui a été tournée ensuite au cinéma. Mais EB dit qu’il préfère toujours la pièce au film.
EB : On voit un aspect de votre humour quand vous demandez : Vous avez quel âge ? et vous dites : 11 ans… EB nous dit : je le situe mal par rapport à 10. Oui, c’est un moment d’oubli mathématique. Tout le monde rigole.
Il déclare aussi : je n’aime pas les jeux de mots, les bons mots c’est chiant. Je préfère un regard, un geste, une maladresse ; ils me font plus rire. Je trouve ça formidable de dire en beaucoup de mot rien.
Autre moment d’hilarité générale quand il dit : Je suis persuadé qu’il y a un monsieur qui dort. Ah, j’aimerais analyser ses rêves, je suis sûr en se réveillant qu’il saura ce que j’ai dit. Et rajoute, tout sourire : quel bonheur de dormir sur l’épaule de son voisin ! On va parler doucement pour ne pas le réveiller.
EB regagne son siège pour voir un extrait de film, la lumière s’éteint, et en s’asseyant il dit dans son micro : « ah, vous avez votre main sur ma cuisse… » en regardant son voisin, un spectateur qui n’avait rien demandé.
Plus tard, EB parle de ce qu’il préfère au cinéma : Faire aimer les gens qui ne sont pas des canons de beauté, faire aimer des gens qui ne sont pas aimables, arriver à les rendre aimable… Il ajoute que cela rend ce métier fascinant et passionnant.
Je vais m’arrêter là car l’interview a duré près de deux heures et je ne peux pas tout raconter, ce n’est pas facile…
A la fin de l’interview, comme le veut la tradition à la leçon de cinéma, c’est le moment des questions au public. « On va faire tourner le micro », dit FB.
Comment gérez-vous le passage du rôle d’acteur dans une pièce de théâtre à l’acteur de cinéma. Y a-t-il un total changement ?
EB dit que c’est dangereux (il a été déçu par le film Le Prénom, même si ça a bien marché) c’est un piège. Il ajoute que parfois il faudrait davantage modifier les rôles.
Comment rentrez-vous dans le personnage lorsque vous allez tourner une scène très triste par exemple, vous pensez à quelque chose de triste ?
EB : C’est toute une préparation avant, c’est difficile de fondre en larmes. Il faut trouver des solutions et comme il faut souvent recommencer la scène et qu’il y a beaucoup de bruit, entre les coupures je trouve que la meilleure solution c’est de s’isoler et de se mettre des oreillettes. La musique est un moyen de conditionnement extraordinaire pour les sentiments forts, la violence, les sentiments amoureux ; pour la joie, c’est plus compliqué.
Quel film vous a le plus marqué durant votre enfance ?
EB rit et dit : « La Mélodie du Bonheur », je l’ai détesté. Mon père qui devait nous emmener voir le « Le jour le plus long » s’est trompé de séance… (rires)
Les comédiens ont des difficultés à tourner les scènes de baisers ? Comment faites-vous?
EB : Moi je ne veux pas être nu, pas de mouvements de bassin, mais toutes les autres scènes d’amour ne me gênent pas ; ça ne me gêne pas du tout d’embrasser.
Et alors, comment je fais ? Je fonce, madame. (rires) On a de la chance qu’on vous mette rarement des femmes déplaisantes dans les bras. On est plus gêné après qu’avant. C’est pour cela que les grands acteurs hollywoodiens mangent une gousse d’ail avant : c’est technique, on travaille. Moi je ne le fais pas... La dernière fois, je devais embrasser Monica Bellucci sur la bouche, et là j’étais très intimidé. L’équipe sur le plateau me disait : putain t’es un malade toi, tu fais un beau métier… Non on ne peut pas en profiter. Le baiser c’est la femme qui commande, si y a langue ou pas ; les techniques, c’est la femme qui les décide, et il n’est pas interdit d’envoyer un bouquet de fleurs après… Les metteurs en scène adorent qu’on soit un peu amoureux après. Ils sont contents de savoir qu’ils ont créé une idylle. C’est moi qui vous ai mis ensemble… Ta gueule !
En raison de votre rapport au verbe, quel type de lecture, quels auteurs appréciez-vous, en dehors du magazine Gala ?
EB : Montaldo, des livres de grands reporters, j’adore l’Afrique, les BD. J’ai des livres ouverts sur la table de nuit. Comme je rencontrais M. Bégaudeau, j’ai acheté son livre… (il rigole) j’ai le whisky qui monte…
Vous venez de finir « A la française » au théâtre, quels sont vos prochains projets?
EB : elle va être jouée en tournée à travers la France et je vais écrire un film sur Gérard Depardieu comme.. « A l’origine de tous les maux du monde » (rires).
La leçon de cinéma prend fin, mais Edouard Baer reste un bon moment auprès du public qui l’a rejoint devant le grand écran. Un moment d’échange, de dédicaces et de photos avec l’acteur.
Mon fils qui y venait pour la première fois a trouvé cette leçon très intéressante. Il me dit qu’il y reviendra avec des amis si l’invité l’intéresse.
Une dernière photo devant le cinéma, mon amie et moi. Il est plus de 23h, il est temps de nous séparer pour rentrer chez nous.