Lundi 14 novembre
Je me prends une place pour le film "Tour de France" car j'apprends que Gérard Depardieu sera présent lors de cette avant-première à l'UGC Bercy. Depuis le temps que je veux le voir, j'espère qu'il ne se désistera pas.
Ce cinéma se trouve à l'opposé de Meudon, à l'est de Paris. Je prends mon Rer pour descendre à l'arrêt Bibliothèque François Mitterand. Puis juste une station de métro et me voilà Cour Saint-Emilion; Bercy Village, comme on appelle ce quartier construit dans les anciens chais. Je traverse la rue piétonne bordée de petits restaurants et longe les rails qui permettaient aux wagons de transporter le vin il y a plus de 100 ans. Un endroit sympa pour se retrouver autour d'une table.
Au bout de cette petite rue piétonne se trouve l'UGC.
La salle où est projetée le film se situe tout en haut du bâtiment complètement vitré.
Je regarde par la grande baie qui offre un beau spectacle sur la Seine. J'ai même un peu le vertige.
Je rentre dans la salle qui est accessible dès mon arrivée, et je peux m'installer au premier rang. Ce sera bien pour les photos. Près de moi un jeune homme est venu de Rennes pour voir son idole, Gérard Depardieu. Il espère, et j'espère aussi pour lui, une dédicace, mais ça, c'est pas gagné.
La salle se remplit. Je me retourne, derrière nous des rangées sont réservées, certainement pour des amis de l'équipe du film ou pour la production.
La salle s'éteint, le présentateur annonce l'arrivée des acteurs.
En premier c'est le réalisateur "Rachid DjaÏdani" qui descend les marches. Puis suit l'acteur tant attendu, Gérard Depardieu. La salle se lève et une grande ovation se fait entendre.
Puis, arrive le rappeur Sadek, qui a le rôle principal aussi à côté de Gérard Depardieu.
Louise Grinberg est annoncée, suivi du compositeur de la musique "Clement Dumoulin" et de la productrice du film "Anne-Dominique Toussaint".
Les voilà tous face au public.
Anne-Dominique Toussaint, Louise Grinberg, Rachid Djaïdani, Gérard Depardieu qui tient par l'épaule la mère de Rachid, Sadek, Clement Dumoulin
Le présentateur s'adresse en premier au réalisateur : "Rachid c'est votre deuxième long métrage après "Rengaine".
Rachid Djaïdani veut d'abord faire remarquer qu'il est accompagné d'une femme particulière qui est sa mère, qui est merveilleuse et qui était présente sur tous les lieux de tournage du film.
Il nomme ceux qui ont travaillé avec lui : Anne- Dominique Toussaint, la productrice du film, avec qui il a travaillé avec beaucoup d'application et d'acharnement. Puis il évoque la rencontre de deux êtres qu'il qualifie d'extraordinaires : Sadek et Depardieu. Il parle de ce dernier en évoquant carrément "sa beauté et son élégance, celui que l'on ne nomme plus, le grand homme du 7e art, que tous surnomment Tonton". Il ajoute aussi que Louise Grinberg les a illuminés par sa présence et salue Clement Dumoulin qui a composé la musique du film.
Gérard Depardieu prend le micro. Il nous dit :
"Pardonnez moi si je suis un peu fatigué, mais ça va, mais je ne suis pas méchant parce que des fois quand on est fatigué on tombe méchant. J'avais un ami qui disait ça, c'était Monsieur Jean Carmet." (bizarre son entrée en matière...)
Il se reprend : "C'est vrai que ce film nous accompagne vers un sens qu'on avait perdu, à savoir le coeur, et c'est vrai que c'est un film qui vous donne le rythme des battements de votre coeur. C'est un film qui nous apporte de l'amour et c'est vrai que l'on en manque terriblement. C'est simplement un bout de chemin ensemble, un bout de vie ensemble avec un jeune garçon qui ne se laisse pas faire et puis qui aime la France alors que l'autre il l'aime de moins en moins. Je parle de Serge, le camionneur, celui qui manie la truelle, qui était maçon. C'est un homme qui avait perdu un peu son identité. Sa femme est morte, son fils converti à l'Islam. Il est perdu et il en veut à la terre entière. Et puis finalement c'est un vrai conte. D'autres critiqueront. Je dis simplement, il y a des gens qui n'aiment pas tellement les grands sentiments, et bien moi j'aime l'espace des sentiments, et je trouve que ce film a donné l'espace a des sentiments et c'est très beau. Merci pour le film."
Gérad Depardieu parle durant que le réalisateur n'arrête pas tourner autour de lui en faisant une vidéo. Peut-être fait-t-il un direct sur un de ses réseaux sociaux, twitter ou autre...
Gerard Depardieu reprend le micro et dit qu'il ne connaissait rien au rap et que Sadek lui a vraiment fait découvrir. Sadek lui répond : "tu l'ignorais pas, tu l'avais en toi "; et il nous raconte une anecdote tout en s'adressant à Depardieu:
"Je ne sais pas si tu t'en rappelles, on était sur le premier jour du tournage et je voulais me détendre un peu. J'avais une petite enceinte, je me suis mis dans un coin, je commençais à écouter un rappeur américain. C'était incroyable, tu es venu et tu captais le rythme au point où tu arrivais à reprendre les fins de phrases. Et c'était la première fois que Gérard avait entendu le morceau. Vous pouvez pas savoir la sensibilité qu'il a au rythme, c'est incroyable! Moi je suis sûr qu'après un peu d'entrainement il sort 3 albums de rap!"
"Merci, merci" répond Depardieu. "C'est vrai, moi j'ai été ému pour ça" lui rétorque Sadek.
Puis Rachid Djaïdani reprend la parole pour interpeler un acteur qui se trouve dans la salle, et qui joue dans le film.
" Nicolas, je t'ai vu, tu peux venir s'il te plait?"
Entre temps la productrice dit quelques mots: "Produire un film n'est pas anodin, c'est pas innocent, c'est faire des choix c'est tenir à des convictions, c'est avoir envie de dire des choses. Je pense que c'est un film qui est important et qui est nécessaire, donc j'en suis très fière, c'est pour ça que je fais des films."
Et Nicolas Marétheu , venant du public, va prendre la parole, mais Gérard Depardieu lui demande :
"Dis moi pourquoi tu t'es converti ? car moi aussi je me suis converti, j'avais 15 ans. J'ai toujours trouvé que cette religion, l'islam, était une belle philosophie; ça n'avait rien à voir avec ce qui se passe. Peut-être aussi qu'à 15 ans on est romantique et j'y trouvais quand même une force; c'est la religion des pauvres et pas des cons, voilà".
" Merci papa" rétorque Sadek.
Nicolas Marétheu : "J'étais très fier de participer a cette aventure. Ca fait longtemps que j'ai vu Gérard, et quand j'ai partagé le tournage avec lui et avec l'équipe ça m'a fait penser à ceci:
Les langues mortes et les langues vivantes. C'est-à-dire quand tu parlais de l'islam ou de langage, il y a des langues que l'on considère comme mortes, car on ne les voit plus à la télé par exemple. Tout autour de nous il y a pourtant plein de gens qui vivent avec ces langues. C'est pourtant la base de notre langage, la base de ce qu'on vit aujourd'hui. Si je vous dit : "Babylone ça vous dit peut-être rien, mais en fait c'est Bagdad".
Voilà ce genre d'exemple, et en fait Gérard c'est un peu le symbole de tout ça. Il y a un langage chez lui qui est à la fois ancien, érudit et en même temps d'une modernité extrême, et c'est à la fois un mythe. Donc pour moi, Gérard, c'est une légende vivante".
Le dernier à prendre la parole, Clément Dumoulin, le compositeur de la musique du film:
"La musique parle à ma place, ça c'est certain. J'ai avant tout eu du plaisir à venir participer a cette aventure, parce que ce film défend des valeurs qui sont pour nous essentielles, et il porte cette envie que les gens se réconcilient.
En ce moment, la France, moi elle me plait assez moyennement, je dois le reconnaitre. Le climat est puant, je suis souvent dégoûté de ça, souvent déçu, et je crois aussi aux individus et à leur capacité à dépasser ces problématiques. On saura vivre ensemble c'est clair, la preuve en est ce film le dit. En tout cas, moi je suis heureux d'être là car je vois plein de gens différents. J'aime la différence et je suis heureux d'être là avec vous."
Après une présentation de vingt bonne minutes, les acteurs repartent sous les applaudissements du public et Gérard Depardieu retrouve son garde du corps.
J'ai bien aimé ce film: L'histoire d'un jeune rappeur, Farouk, joué par Sadek, qui sert de chauffeur à un ancien ouvrier devenu peintre, Serge, joué par Depardieu, et qui décide de faire le tour des ports de France à la manière de Joseph Vernet, peintre du 18e siècle, en passant par La Rochelle et en terminant à Marseille.
Une amitié va se nouer entre ce jeune rappeur et ce maçon du Nord de la France, malgré le choc des générations et des cultures.
Entre Gérard Depardieu et Anne-Dominique Toussaint, Louise Grinberg, découverte dans le film "Entre les murs" qui a obtenu la Pame d' Or à Cannes.
COPYRIGHT PHOTOS: FRANCINE SPITZ