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Vendredi 1er février 2019
Je consacre ma journée au grand compositeur de musique "Michel Legrand" Cet hommage se passe en trois temps.
Première partie : une cérémonie religieuse à 11h et dans l'intimité à la Cathédrale orthodoxe Alexandre Nevsky.
Deuxième partie : un hommage public au Théâtre Marigny, où se joue en ce moment la pièce "Peau d'âne" dont la musique est de Michel Legrand.
Troisième partie : un dernier adieu au cimetière du Père Lachaise.
Je pars vers 11h30 de chez moi et me dirige donc à la Cathédrale Alexandre Nevsky où sera célébré l'hommage à Michel Legrand.
Je veux absolument assister à cet événement.
Puisque cette cérémonie est privée, je n'entrerai dans la Cathédrale qu'à la fin l'hommage.
Mais mon but principal est de pouvoir être présente au Théâtre Marigny.
Il est midi passé et j'espère y arriver à temps.
Le bus passe devant la Salle Pleyel, là ou a eu lieu un de ses derniers concerts en 2017.
La cathédrale se trouvant dans la rue Daru, je ne perds pas de temps et dès ma descente du bus, je demande à un commerçant de m'indiquer le chemin.
J'y suis. Dans cette rue étroite et sur ma droite se dresse la magnifique Cathédrale orthodoxe avec ses quatre énormes bulbes dorés.
La cérémonie se termine car j'aperçois au loin, sur le haut des marches, les gens qui commencent à sortir.
Mais dommage... j'arrive trop tard pour la sortie du cercueil de Michel Legrand, qui est déjà dans la voiture.
Je croise quelques personnalités dont le compositeur de musiques de films, Vladimir Cosma.
Il y a quelques semaines j'étais au Grand Rex pour assister à son concert symphonique. Je vais à sa rencontre, heureuse de parler quelques instants avec lui
Après cet entrevue, je monte les escaliers de la Cathédrale pour m'y recueillir, les marches sont encore jonchées de fleurs.
Maintenant il est temps que je reprenne un bus afin de me rendre au théâtre Marigny tout proche du Palais de l'Elysée.
J'arrive bien en avance espérant pouvoir ainsi assister à cet hommage au Théâtre Marigny.
Les invités doivent passer par l'entrée du Studio Marigny, l'entrée principale étant réservée au public.
Il y a déjà une file d'attente. Le temps de faire le tour du théâtre, je vois que l'on va pouvoir entrer.
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J'y suis arrivée, je n'en reviens pas...et me voici installée au premier rang. Je surplombe l'orchestre et la scène.
Le théâtre est magnifique, rouge et or. Il a été en rénovation durant trois, quatre ans et vient de ré-ouvrir. Les sièges sont très confortables et l'atmosphère très chaleureuse.
On nous a remis un programme. La cérémonie va durer près de deux heures. Cinéastes, écrivains vont se succéder sur la scène afin d'évoquer leurs souvenirs avec Michel.
Mais au lever de rideau, voir le cercueil posé au milieu de la scène est quelque peu troublant, je ne m'attendais pas à cela.
Toute la salle est debout et n'en fini pas d'applaudir.
La musique de Peau d'âne retentit (fugue d'ouverture). pendant que toute la troupe arrive sur scène.
Puis Jean-Luc Choplin, directeur du Théâtre Marigny prend le premier la parole.
Il salue Macha, femme de Michel Legrand puis les enfants et petites enfants de Michel, le Ministre de la Culture et la Maire de Paris et tout le public.
S'adressant à Michel il dit : "Toute la distribution de Peau d'âne qui depuis deux mois dans ce théâtre enchante Paris et qui vous a donné tant de joie a tenu à être assemblée autour de vous et vous accueillir chez vous sur la scène pour vous rendre hommage. Nous avons tous travaillé avec vous durant plusieurs mois car vous avez voulu refaire toutes les orchestrations, diriger l'orchestre pour la bande sonore pour le spectacle, choisir les musiciens de l'orchestre de Faust". Le directeur continue ses éloges. Michel ne vivait que dans l'amour de la musique et de la faire partager.. et toute la troupe de s'exclamer :
"Mais qu'allons nous faire de tant de bonheur, le montrer ou le taire ? comptez sur nous Michel, nous allons le chanter."
Puis c'est au tour du Ministre de la Culture, Franck Riester de monter sur scène.
Un extrait de son discours :
"Avec Michel Legrand, la France perd l'un de ses géants. Il vivait pour la musique car la musique lui faisait aimer la vie. Les deux étaient pour lui indissociables. Il vivait pour la beauté de l'art.
Il s'engage sur le chemin du music-hall et du jazz. Il n'y avait pas de frontière à son talent et c'est le monde entier qui pleure Michel Legrand. Quand il jouait du jazz il ne jouait pas seulement pour les amateurs de jazz. Quand il composait une musique de film, il ne la composait pas seulement pour les cinés-films, il faisait de la musique pour le monde entier. Très tôt il traverse l'atlantique pour apporter un peu de France aux Etats-Unies pour faire dialoguer nos cultures et pour les enrichir. C'est le jazz qui le fait connaitre et reconnaitre par les plus grands interprètes américains. C'était le temps de "I love Paris" et de "Legrand jazz".
Puis il se tourne vers le 7ème art. Il accompagne Jean Luc Godard, Agnès Varda et évidemment Jacques Demy. Avec lui après avoir apporté un peu de France aux Etats-Unis, il apporte un peu des Etats-Unis en France. Ensemble ils réinventent la comédie musicale. Les Demoiselles de Rochefort, Les Parapluies de Cherbourg, Peau d'âne, résonnent encore dans nos têtes.
En 1968 il retourne recréer aux Etats-Unis avec les plus grands réalisateurs. Norman Jewison fait appel à lui pour son film "L'Affaire Thomas Crown". Il a l'audace de monter les séquences du film autour de la musique qu'il composerait pour lui. Sa bande originale est une référence admirée encore des cinés-films. La chanson "les moulins de mon coeur" remporte l'Oscar et devient un standard repris par les plus grands."
Cette chanson que l'on vient d'entendre me donne des frissons.
Comme une pierre que l´on jette / Dans l´eau vive d´un ruisseau / Et qui laisse derrière elle / Des milliers de ronds dans l´eau..
Agnès Varda monte sur scène, cinéaste (j'apprends qu'elle avait été la femme de Jacques Demy).
D'une voix chevrotante elle dit que c'est un peu difficile de parler à côté du cercueil de Michel. Elle évoque la grande amitié qu'il y avait entre Michel et Jacques et le plaisir de travailler ensemble dans les années 60-70.
Puis elle veut parler de ces petits moments de la vraie vie. Comme, je cite : "Pour "Les Demoiselles de Rochefort" ils étaient installés dans une pièce d'une maison rue Daguerre. C'était une grande pièce et ils avaient loué un petit piano droit qu'ils avaient mis le long du mur et tout le reste de la pièce était occupé par une énorme planche où ils avaient installé un circuit de petits trains et un circuit de voitures, et dans une journée ouvrable il y avait des petites sessions de musique mais ils passaient beaucoup de temps avec le circuit mais surtout parce qu'il fallait réparer les contacts électriques A l'heure du goûter on avait le droit d'entendre un peu ce qu'ils avaient fait et ils discutaient de Catherine Deneuve qui était l'interprète de rêve, la princesse de Jacques.
Puis elle évoque sa réalisation "Cléo de 5 à 7". Elle demande à Michel qu'il crée la musique du film et aussi la musique des paroles qu'elle avait écrites pour Corinne Marchand qui est d'ailleurs dans la salle. Michel jouait le rôle du compositeur pianiste dans le film.
Elle nous annonce que l'on va entendre la chanson et on va reconnaître le son des doigts de Michel sur le piano"
Toutes portes ouvertes / En plein courant d'air / Je suis une maison vide / Sans toi, sans toi / Comme une ile déserte / Que recouvre la mer / Mes plages se dévident / Sans toi, sans toi
Maintenant c'est au tour de l'écrivain-cinéaste, Didier Van Cauwelaert, qui monte sur scène.
"Que te dire cher Michel. Le vide que tu laisses est immense et l"énergie qui anime ta musique et que tu nous as laissée est encore plus forte que tout. Que te dire. Raconter 33 ans d'une amitié passionnée. Notre rencontre aux Bouffes-Parisiens grâce à Jean-Claude Brialy qui jouait ma pièce "Le Nègre" et qui t'avait demandé de faire la musique. Et le jour ou nous tombons l'un sur l'autre sur le trottoir de la rue Monsigny tu me dis : "bon , j'ai lu votre pièce fatalement vous aimez Marcel Aimé, moi je suis hanté à l'idée de faire le Passe-Muraille en musique, bon on va le faire ensemble, voilà une K7 j'ai fait une dizaine de mélodies, vous l'écoutez et vous me rappelez et on va se mettre au boulot la semaine prochaine.
On a fait ensemble "Le Passe-Muraille" Dreyfus, l'Opéra de Nice. on a écrit "L'Amour fantôme" qui sera créé malheureusement en ton absence, mais ton absence physique uniquement.
Ce que m'a apporté Michel c'est sa musique, me permettre de faire l'amour à sa musique. Plutôt que des mots je voudrais terminer par sa musique. Le final du Passe-Muraille chanté par Francis Perrin et Isabelle Georges, c'était ceci Michel et ces paroles sont pour toi et cette première aventure entre nous et le restant des aventures qui nous reste sera baigné par ta lumière, ta générosité, ton rire et ton éternel adolescence.
Le personnage du Passe-Muraille se retrouve prisonnier de ces murs qu'il traversait jusqu'alors et Isabelle son amoureuse vient lui chanter ceci :
"C'était trop beau pour que ça dure, mon chéri te voilà dans le mur et moi je suis restée sur terre, quand tu venais me faire l'amour nous nous enlacions pour toujours et te voilà pris dans la pierre....les jolies pierres de notre amour qui était si beau qui fut si court, mais moi je suis restée sur terre et je t'aimerai la vie entière". Merci Michel.
Puis la musique du film Le Messager "The Go-Between" retentit au piano. Magnifique
Eve Ruggieri monte sur scène. (quelques extraits de son discours).
Très émue, elle évoque ses souvenirs d'été dans sa maison en Gascogne avec comme voisin Michel et Macha. Elle situe leur maison qui est si belle et qui se trouve en haut d'une petite colline où l'on y voit des vignes à perte de vue.
Elle nous raconte leurs invitations les uns chez les autres et fait des éloges sur ce couple qui irradiait le bonheur, la joie de vivre et le besoin de partager. Elle se souvient de la première fois où Michel était venu, il marchait dans le sillage de Macha, ils étaient rayonnants, Macha était en blanc à côté de lui. Aujourd'hui elle se retrouve en noir à ses côtés.
Puis elle évoque une soirée où elle était invitée chez eux, et après un bon repas préparé par Macha, Michel a voulu lui faire écouter son "Concerto pour piano" pour savoir ce qu'elle en pensait. C'était un magnifique concerto.
Elle se souvient des feux d'artifice en Gascogne faits par Macha, il y avait de la musique avec Michel qui improvisait au piano et qui chantait et ils étaient si heureux.
On dit parfois que les artistes disparaissent vite dans nos mémoires, mais pas les créateurs et surtout pas les compositeurs parce que la musique est un art populaire, elle nous fait battre le coeur plus vite elle nous met les larmes aux yeux elle a ce pouvoir de nous rendre meilleur.
Elle s'adresse à Michel et lui dit : "C'est la dernière fois dans ton corps que tu es sur une scène, mais je suis sûre qu'il y aura des centaines de scènes dans le monde entier pour continuer de parler avec toi à travers ta musique."
On entendra le "Concerto pour piano (2ème mouvement), par l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Mikko Franck, Michel Legrand au piano.
Le cinéaste Stéphane Lerouge est sur scène
Il est très ému et gêné d'être là et d'utiliser pour parler de Michel le passé composé ou l'imparfait, des temps de conjugaison qui lui conviennent très mal nous dit-t'il.
Pour lui, la grandeur et la modernité de Michel Legrand c'est d'avoir très jeune fait un choix et ce choix c'est celui de ne pas choisir. Ne pas choisir entre la musique symphonique, le jazz ou les jazz, la chanson, la variété, la pop musique, les musiques du monde notamment les folklores d'Amérique du Sud qui le passionnaient et il a su amalgamer toutes ces cultures en une seule voix qui était la sienne. Pour lui la musique n'existait qu'au pluriel sans hiérarchie. Il répétait sans cesse cette phrase qu'il trouvait fascinante "Pour moi une très belle bossanova a plus d'importance que certaines oeuvres de Wagner."
Il nous parle de sa rencontre avec Michel en 1994. Il se proposait de rééditer ses bandes originales iconiques qui étaient à l'époque introuvables. On était au début d'un nouveau format : le CD ; il y avait un monde à construire ou reconstruire et il l'a laissé s'immerger dans son passé et a craqué, numériser, restaurer ses enregistrements pour les publier en disque et pour les rendre notamment accessibles aux nouvelles générations et ça grâce au soutien permanent et constant d'Universal Music.
Et avec lui l'aventure s'est prolongée car il lui a proposé d'élaborer ensemble à 4 mains ses livres de souvenirs dont le dernier "J'ai le regret de vous dire oui".
Michel avait décidé de boucler des boucles, d'achever des travaux en cours de donner à ses ultimes rêves une existence concrète, il dira même un futur et ça a été notamment l'écriture de ses deux concertos celui pour piano et celui pour violoncelle écrit sur mesure pour Henri Demarquet ; il a finalisé l'écriture de son oratorio en 70-71 pour Barbara Streisand "Between yesterday and tomorrow" et finalement enregistré en 2017 pour Nathalie Dessay qui a été objectivement l'interprète vocale majeure de Michel ces dernières années. Il a souhaité amener le Peau d'âne de Jacques Demy sur scène à Marigny. Il a mis en musique le film testament d'Orson Welles "The other side of the wind" tourné entre 70-76 et achevé en 2018.
Puis c'est la rencontre magique, miraculeuse, avec Damien Chazelle, cinéaste prodige de 32 ans, qui avec Whiplash et Lalaland a prolongé les rêves de musique de cinéma de Michel.
Et il y a eu son dernier concert à la Philharmonie de Paris le 1er décembre ; malgré la fatigue physique il a trouvé des ressources insoupçonnées pour le diriger pendant 2h40 ; dans la salle ils étaient plusieurs à avoir dans la tête le texte de la dernière chanson de Michel avec Claude Nougaro "mon dernier concert sera-t-il donné à tombeau ouvert ou guichet fermé ; puis ça a été ce livre, un coffret de 20 CD qui s'appelle "Les moulins de son coeur".
Et la musique se fait entendre "Chanson de Maxence (You must believe in spring), par Bill Evans.
Jean-Paul Rappeneau, cinéaste
Il va parler de son premier film écrit et tourné en 1960 ; à aucun moment il n'avait pensé à y mettre de la musique.
Pendant le montage, il a été surpris par le rythme ainsi que par l'avalanche de dialogues qui prenaient toute la place sonore ; il pensait qu'il n'y aurait pas de place pour la musique et qu'il mettrait au début et à la fin un disque de Charles Trenet.
Sa productrice lui dit : "un film sans musique ce n'est pas possible, vous devriez appeler Michel Legrand". Michel était alors au plus haut de sa gloire car il venait de recevoir la Palme d'Or à Cannes pour le film de Jacques Demy et Michel (Les Parapluies de Cherbourg) ; il pensait donc qu'il n'aurait pas le temps de s'intéresser à son film.
Après avoir pris rendez-vous chez Michel rue Chardon Lagache, ( il pense puis hésite sur le nom de la rue...) Michel se met de suite au piano et là il est ébahi, son film n'attendait que ça, il a découvert ce qu'il y avait dans le film, ce que je cherchais à faire ; il m'a aidé sur ce que je voulais faire de par le rythme, la grâce et le charme de sa musique.
Elle a fait partie de ce premier film et elle est restée pour les films suivants avec lui et avec d'autres aussi.
Je ne sais pas s'il l'a inventé, mais on peut dire que pour le reste de sa vie "il a donné le la." Il remercie Michel.
La musique du film "Les Mariés de l'an II" retentit. (avec Jean-Paul Belmondo, Marlène Jobert, Pierre Brasseur, Michel Auclair, Samy Frey ect..)
Jean-Paul Rappeneau, ciinéaste, réalisateur du film "Les mariés de l'an II" - Musique Michel Legrand
Xavier Beauvois, cinéaste, monte sur scène
Les larmes dans la voix, il dit que la seule solution pour surnager dans cet océan de tristesse est de ne pas oublier que l'on a eu une chance folle de connaitre sa musique, une chance inouïe de l'avoir rencontré, et pour son épouse et lui la chance merveilleuse de travailler avec lui et de devenir son ami au moment où Michel retrouvait son grand amour, la Princesse Magdanela, notre chère Macha.
Il nous relate la première fois que Michel a vu "La Rançon de la gloire" il lui a dit : "C'est formidable, on va bien s'amuser". Il n'en revenait pas que Michel accepte de faire la musique de leur film. Ils allaient avoir la chance de travailler avec celui qui les avait enchantés qui leur avait donné l'envie de faire des films, ils allaient travailler avec le cinéma.
C'était formidable, Ils se sont bien amusés jusqu'à dire : "travailler avec toi ça sonne un peu faux, si tu as travaillé toute ta vie tu as réussie l'exploit de ne jamais travailler "
Avec lui la beauté se mettait en place sereinement dans le plaisir et la joie mais également avec des larmes lorsqu'il a écouté pour la première fois la musique jouée par 65 musiciens alors que c'était déjà tellement bouleversant au piano. Il faisait la musique du film avec les cinéastes ; il pouvait discuter avec lui ; il pouvait dire des choses avec des mots et immédiatement, Michel arrivait à les traduire en musique. Il arrivait à leur prêter pour quelques heures les clefs de son art.
Je vais juste citer quelques petites histoires de leur vie ensemble tout en travaillant sur le film.
Chez eux c'était bien : Ils faisaient des concours de pêche aux gardons pour pouvoir prendre après des gros brochets ; il y avait la contemplation des arbres et regardaient des familles de ragondins qui étaient là entrain de brouter l'herbe ; ils faisaient des concours de petits hélicoptères dans le salon car ils avaient vu que Jacques Demy avait construit des voitures électriques et des trains ; ils voulaient trouver autre chose de plus moderne : alors ils faisaient des concours de pose et d'atterrissage dans le salon ou de carabine dans le jardin. Puis il parle des diners somptueux de Macha, l'histoire de la côte de boeuf.
Un jour ils revenaient de Budapest et après le décollage l'hôtesse de l'air interpelle Michel Legrand, elle lui demande de le suivre. Michel Legrand part dans le cockpit et à un certain moment l'avion faisait des virages un petit peu étranges ; il a passé tout le vol dans le cockpit et le pilote et co-pilote lui ont chanté toutes ses chansons. Comme l'avion commençait à zigzaguer, l'hôtesse à demandé à Michel de retourner à sa place.
C'est en larmes qu'il termine : "Merci Michel on t'embrasse très très tendrement et on va veiller sur Macha".
Un extrait de la musique du film "La Rançon de la gloire" retentit.
Xavier Beauvois, cinéaste - Réalisateur du film "La Rançon de la gloire" - Musique du film Michel Legrand
Frédéric Beigbeder, écrivain - cinéaste
"Je hais la mort. Quelqu'un peu me dire à quoi ça sert de cesser de vivre ? aucun intérêt. En y réfléchissant il y a peut-être un avantage, c'est que la mort sert à une chose : c'est qu'elle permet à la France de se rendre compte du génie de Michel Legrand. (applaudissements)
3 Oscars, 0 Césars, Vive la France. (cris et applaudissements)
Pour être reconnu chez nous il faut crever, c'est comme ça. Quand même, Michel, bonne nouvelle, tu vas reposer au Père Lachaise avec Frédéric Chopin, Marcel Proust, Oscar Wilde et Jill Morrisson. On sait se rattraper chez nous. "
Puis il remercie Michel pour toute la joie qu'il lui a donné, celle de sa musique et aussi de son amitié.
Il dit avoir eu la chance qu'il accepte d'interpréter son propre rôle dans son premier film "l'Amour dure 3 ans."
Il a également accepté de chanter "Les moulins de mon coeur" en smoking sur la plage de Bidart en 2011 dans une séquence de mariage homosexuel, ce qui à l'époque était interdit et Michel à même chanté en duo avec Joey Starr une preuve d'ouverture d'esprit et de son courage physique... Il le remercie de ce souvenir insensé.
Il nous raconte sa visite dans la maison de Michel à la Motte à 150 kms de Paris ; C'est un endroit splendide. Il y a un Steinway un piano à queue.. autour il y aune maison et autour il y a un parc idyllique.
Après avoir travaillé plusieurs heures sur un projet il lui dit : "viens je vais te montrer quelque chose".
Ils se sont assis dans une petite voiture électrique et ces petites voiturettes ça va assez vite. Il conduisait à tout berzingue dans une forêt immense sur un petit chemin cahoteux qui longeait une rivière glacée. Il pensait qu'il allait mourir noyé dans un accident de Buggy avec Michel Legrand. Et au fond qu'est-ce qu'il pouvait espérer de mieux. Ils se sont arrêtés dans une clairière et il lui a montré un arbre gigantesque, le tronc faisait au moins 15 m de diamètre Il lui a dit : "cet arbre il a 1000 ans". Ils sont descendus et c'était comme dans un conte de fée et il n'aurait pas été surpris si peau d'âne était sortie de derrière les fagots avec son gâteau à la main. Ils ont fait le tour de cet arbre millénaire et puis ils sont remontés dans la voiture et il est rentré chez lui sans rien dire. Il comprend seulement maintenant pourquoi Michel voulait lui montrer son arbre âgé de 1000 ans.
"Il voulait me dire qu'on ne meurt pas. La musique ne meurt pas, les mélodies de son enfance lui survivront et me survivront".
Puis il nous raconte une anecdote bien triste.
La semaine dernière il était en vacances avec sa famille sur une ile des Caraïbes à Saint-Domingue et jeudi dernier au bar de son hôtel une jeune fille blonde s'est mise à chanter "Non je ne pourrai jamais vivre sans toi". Il s'est mis à pleurer. La pianiste québécoise lui demande pourquoi tant d'émotion ? Il envoie un SMS à Macha et lui raconte qu'il est de l'autre côté de l'atlantique et qu'une chanteuse vient de chanter, la chanson des parapluies, sur la plage, il est ému et il les embrasse tous les deux.. En République Dominicaine il était 9h du soir et avec le décalage horaire il était 2h du matin à Paris. Macha lui répond tout de suite, un sms que je n'effacerai jamais. "Nous sommes encore à l'hôpital, Michel souhaiterai s'éteindre à la Motte, je ne sais pas s'y on y arrivera il est trop faible, pendant que je te faisais ce SMS il s'est arrêté de respirer, c'est fini, il ne vit plus. Macha". Il avait envoyé son message à la seconde même où Michel expirait.
Macha lui a dit que ce genre de coïncidence portait un nom "La synchronicité". Lui il est agnostique mais il doit reconnaitre que Dieu se donne un mal fou pour nous faire croire qu'il existe.
Il nous dit que l'on va écouter maintenant cette chanson adaptée par Jacques Demy, mais pas dans la version québécoise mais dans la version anglaise, dont les paroles de Norman Gimbel résument la vie amoureuse de Michel et Macha.
If it takes for ever I will wait for you / for a thousand summers I will wait for you
Et aujourd'hui c'est comme si Michel Legrand nous disait à nous tous : "Je vous attends".
La Clôture de la cérémonie est annoncée par Jean-Luc Choplin, directeur du théâtre Marigny.
"Michel nous allons continuer tous les soirs ici à Marigny à célébrer ce magnifique Peau d'âne que tu a créé avec Jacques Demy. C'est une grand joie pour nous de savoir que la pièce continue ici."
Il nous propose de nous lever et de dire au revoir à Michel sur la dernière chanson qu'il a écoutée "Dans le même instant" sur les paroles de Jean Drejac, sur le cycle de la vie".
"Dans le même instant / la même seconde / A travers le monde / A travers le temps / Dans le même instant / A travers l'espace / Dans le temps qui passe / En nous emportant ..."
Je laisse mes larmes couler sur cette magnifique chanson.
Vraiment un très bel hommage entre paroles musiques et anecdotes. Il est près de 16h lorsque je sors du Théâtre Marigny.
Alors, pourquoi courir au Père Lachaise maintenant.. j'y arriverai de toute façon trop tard pour assister à beaucoup de tristesse.
Je préfère rester sur ces merveilleuses paroles de tous ses amis et sur les magnifiques musiques de Michel qui résonnent encore dans ma tête.
Je rentre chez moi presque heureuse.