COPYRIGHT - PHOTOS FRANCINE SPITZ
Jeudi 11 Mars, 11h
Lorsque j'arrive devant l'église Saint Roch, même le ciel pleure
Quelques gerbes de fleurs blanches sont posées sur les marches qui y montent. Les photographes de presse dans la rue Saint-Honoré face à l'église et derrière la barrière dressée, sont près à monter sur leur escabeau à l'approche d'une personnalité. Devant, des anonymes comme moi attendent et espèrent pouvoir assister à la cérémonie religieuse.
J'ai attendu un bon bout de temps, patiente sous mon parapluie et sous les bourrasques de vent. Passent avant nous les invités et personnalités. S'il reste de la place ils feront entrer quelques personnes.
Ma persévérance a gagné, je suis dans l'église
Je croise des jeunes femmes vêtues de noir une rose blanche à la main.
Ces ex-étoiles et danseurs de l'Opéra de Paris précèdent l'entrée du cercueil drapé du drapeau tricolore. Tout en avançant jusqu'à l'autel, je reconnais la musique du film La Strada composé par Nino Rota. Ce solo de trompette me fait couler des larmes.
J'emprunte l'allée de côté pour arriver jusqu'aux musiciens à gauche de l'autel. Je resterai là jusqu'à la fin de la cérémonie.
La cérémonie commence. Une personne de l'assemblée vient au micro lire une citation d'Antoine de Saint-Exupéry. "Les Etoiles"
Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes.
Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides.,
Pour d’autres elles ne sont rien que de petites lumières.
Pour d’autres qui sont savants elles sont des problèmes.
Pour mon directeur, elles étaient de l’or.
Mais toutes ces étoiles-là elles se taisent.
Toi, tu auras des étoiles comme personne n’en a…
Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire
Des musiciens comme le violoncelliste Gautier Capuçon et le duo Camille et Julie Berthollet, ont joué des morceaux, dont La Mort du Cygne de Saint-Saëns.
Puis les prises de parole de plusieurs amis de Patrick Dupond, dont ses partenaires de danse : Marie-Claude Pietragalla et Amélie Dupont.
Ci-dessous un extrait du discours très émouvant de Marie-Claude Pietragalla
"J'espère avoir trouvé les mots justes pour te rende hommage. Nous sommes devant ta famille, tes amis, toutes celles et tous ceux qui t'aiment qui pleurent ta disparition Le monde de la danse en deuil d'avoir perdu son plus bel astre. Tu es parti si vite, trop vite, sans que nous puissions t'embrasser une dernière fois, rire avec toi une dernière fois et écouter avec gourmandise tes anecdotes, tes conseils. Ta vision toujours généreuse et éclairante sur le métier, sur cet art exigeant qui est la danse.
Nous garderons précieusement en mémoire tes envols qui semblaient ne jamais finir, tes manèges qui étourdissaient les salles du monde entier, tes pirouettes offertes comme des cadeaux, ta présence magnétique et espiègle, ta joie de danser qui était une joie de vie. Pour bien danser il faut bien vivre disais tu.
Nous avons donc perdu notre plus grand danseur, un monstre sacré, une légende de la danse. De ce petit garçon plein d'énergie passé par le football et le judo jusqu' au danseur étoile mondialement connu devenu directeur, tu as ébloui les regards, fasciné tes contemporains, levé les foules comme aucun autre artiste de cette grande maison. Tu rayonnais sur scène avec fougue, puissance et insolence. Tu magnifiais la danse classique en lui apportant ton élan et ta sincérité. Tu étais un danseur moderne, un précurseur et un génie. Nous avons perdu un artiste exceptionnel transformant son art pour l'offrir à tous et pour tous"
Une danseuse du White Eagle (Académie de danse, fondée par Leila et Patrick) se présente pour lire son message
"Une étoile, une école, une légende, tu n'étais pas un danseur comme les autres, tu étais toi avec une aura qui faisait détourner la tête, un danseur plein de fougue qui vole, un danseur libre, un virtuose hors norme et un interprète incomparable.
Tu aimais prendre des risques et relever toujours de nouveaux défis, rien n'était jamais suffisant pour toi il fallait que tu vises toujours plus haut toujours plus loin.
Aucun d'entre nous n'oubliera jamais le jour de ta rencontre. Ton regard nous a transpercé à vie, nous étions tous impressionnés, pudiques, réservés et respectueux face à une telle vision".
Amélie Dupont, danseuse étoile du ballet de l'Opéra National de Paris dont elle devient la Directrice de la danse.t
(Juste quelques phrases que j'arrive à comprendre car mon enregistrement n'est pas très bon, du discours très beau et émouvant d'Amélie au bord des larmes.)
" L'âme d'un homme dans un corps maîtrisé où le moindre muscle était au service de la légèreté ou la perfection du mouvement va jusqu'à la désinvolture le danseur absolu tout simplement avant la naissance et bien après la mort.
Je l'ai tellement regardé jeune dans ce studio de la rue Rodier chez notre précieux professeur Max Bozzoni, il travaillait au-dessus de ses forces même à l'unisson, et je le voyais voltiger prenant des risques, il s'inspirait des volcans, des tourmentes, des cyclones. pour lui dire simplement j'avais peur pour lui et il me fascinait, m'hypnotisait, c'est comme cela que j'ai appris.
Mon homonyme et moi avons suivi les mêmes chemins, dansé les mêmes ballets, occupé les mêmes postes et rire ensemble comme pour conjurer les Dupond et Dupont.
Quand le corps s'est dérobé essayons les mots pour saluer cette vie belle comme un pinceau vivant celle de Patrick.
Je ne voulais pas être un arbre une fleur ou une vague. Dans le corps d'un danseur nous, spectateur, devons nous voir nous même pas comme imitation de nos gestes quotidien pas comme des phénomènes naturelles ni des créatures exotiques mais comme quelque chose qui relève du miracle. Merci Patrick d'avoir été cela."
Leïla Da Rocha très émue est venue au micro dire quelques mots en mémoire à son compagnon.
"Il y a 17 ans, j'ai eu l'honneur de rencontrer Patrick, mais j'ai surtout aimé Patrick."
Aujourd’hui coeur à coeur, je t’accompagne vers le firmament. Mon Phénix, tu es là, je t’aime à l’infini ".
Le chanteur Francis Lalanne et ami de Patrick Dupond est venu la soutenir et entamera auprès d'elle sa chanson "On se retrouvera". a capella.
"Pense à moi, comme je t'aime / Et tu me délivreras / Tu briseras l'anathème / Qui me tient loin de tes bras / Pense à moi, comme je t'aime / Rien ne nous séparera / Même pas les chrysanthèmes / Tu verras, on se retrouvera"
La messe s'est terminée sur l'Ave Maria de Schubert
J'avais pu voir Patrick Dupond à l'espace Cardin, lors de la sortie de la comédie musicale "Un air de Paris" avec Manon Landowski. Cette comédie pleine de charme se déroulait dans les quartiers de Paris, sur et sous les ponts ainsi que sur les toits de Paris.
J'y suis allée spécialement pour voir Patrick Dupond.
Il dansait à merveille, il était beau il avait un corps de rêve.
Un danseur étoile qui a quitté la terre bien trop tôt pour rejoindre le ciel.
Une nouvelle étoile qui va briller pour toujours au milieu des autres.